Sur la route de la Convention

[Amadeo di Corri-Lio]

Cette journée avait été épouvantable. Rien dans la vie d'Amadeo n'était comparable à ce qui venait de se dérouler. En deux heures, son monde entier avait basculé. Si les circonstants pouvaient laisser penser qu'un tel événement aurai eu lieu un jour, Amadeo n'en n'aurait pour autant jamais pris le parti.

Comme toutes les communications avec le Palais Impérial avait été coupé et que la plupart des potes de commandement ne répondaient plus, l'Archichancelier ne connaissait rien de la situation intérieure exacte. La dépêche Loredano confirmait ce qu'il avait annoncé et ce qu'il voyait sur les réseaux sociaux disait assez de la situation pour voir que le pays était à feu et à sang. Comment ? Comment cela a-t-il pu arriver ?

Amadeo, s'il ne réussissait pas à reprendre le gouvernail à temps, ne souhaitait pas sortir de cette épreuve vivant. La mort serait sa seule et unique satisfaction. A l'heure actuelle, beaucoup le pointaient du doigt comme responsable. Une vie dans un tel monde équivalait à une damnation éternelle.

Dans son bureau, l'Archichancelier peaufinait les derniers détails de son adresse à la Convention Impériale de la Noblesse. Un secrétaire vint le prévenir que le convoi en direction du Parlement était prêt. Amadeo acquiesça et rangea son discours ainsi dans son attaché-case. Il prit une profonde inspiration puis se leva de son bureau pour marcher sur les pas de son secrétaire.

Ils prirent un couloir puis un deuxième. Au dehors, l'agitation ne s'était pas calmée et, étrangement, celle-ci semblait s'être accentuée. Lorsque les deux hommes arrivèrent en hauts des escaliers, des ordres fusaient de la cour couvrant le bruit de mitraillettes faisant feu. L'Archichancelier se figea sur place.

[Neoterio Riviera]

Après avoir pris possession de la plupart des institutions importantes de la ville et du pays, les forces rebelles, désormais sous l'autorité légale du Régent le Capitaine Riviera, avaient pour mission de destituer de ses fonctions l'Archichancelier Amadeo di Corri-Lio. Décidés à en finir avec les restes de la gouvernance décadente qui avait mené le pays à sa perte, nombreux étaient les volontaires parmi les putschistes pour venir en personne participer à la capture de di Corri-Lio.

Et ils étaient presque aussi nombreux à faire route vers l'Hôtel du Lion qu'ils l'avaient été pour "libérer" le Palais des Beaux-Jours. Les carabiniers arrivèrent en premier, forçant les entrées vers les jardins de l'Hôtel. Des policiers autour du bâtiment ne tardèrent pas à sortir pour tenter d'arrêter l'avance des hommes de Riviera dans les jardins, et les premiers échanges de tirs se firent entendre jusqu'au bâtiment. Ils ne durèrent pas longtemps : une colonne de blindés légers arrivèrent sur l'allée menant à la résidence d'État, et les policiers ne tardèrent pas à battre en retraite devant la puissance de feu des engins de l'armée. Un premier obus fut tiré, des fenêtres volèrent en éclat et les soldats continuèrent d'affluer à pied et en camions tout autour du bâtiment, qui ne tardait pas à être encerclé, deux blindés dans la cour faisant face aux portes principales du bâtiment.

Des coups de feu continuèrent de s'échanger entre les soldats à l'extérieur et les policiers gardant le chef du gouvernement, à l'intérieur. Là, on tentait vainement d'évacuer l'Archichancelier du bâtiment pour l'emmener à l'abri. Un des blindés tira une ogive contre la principale entrée de l'Hôtel, ouvrant une brèche dans laquelle les soldats d'élite des carabiniers s'engouffrèrent, reprenant les combats à l'intérieur du bâtiment. Les militaires continuèrent d'entrer dans le bâtiment, envahissant chaque couloir, tirant sur tout ceux qui étaient à portée de leurs fusils. Depuis le 4ème étage où Amadeo di Corri-Lio avait son bureau, on le comprenait aisément : aucun véhicule de commandement, 12 véhicules de transports de troupes, 7 blindés déployés, et un feu de barrage qui ne cessait plus. Contrairement à la confrontation au Palais, il ne serait pas question de négocier. Ceux qui étaient venu ici étaient venu pour l'Archichancelier, mort ou vif. Ce sont d'ailleurs ces mots, "mort ou vif", qui furent soufflés à la radio alors qu'un petit groupe de carabiniers suréquipés emprunta les escaliers et commença à fouiller les étages supérieurs, en direction de la pièce de sécurité du bureau de l'Archichancelier. Les cris s'intensifièrent, et étaient bientôt couverts par le son des coups de feu qui annonçaient la couleur du massacre des policiers et hauts fonctionnaires qui se déroulait dans l'Hôtel.

Arrivés dans le bureau, les carabiniers furent confrontés à des policiers qui furent rapidement neutralisés à coup de crosse, mais laissèrent assez de répit à l'Archichancelier pour qu'il tente de sortir par la fenêtre. Avant qu'il ait l'occasion de prendre son élan, un carabinier lui tira dans la jambe, le faisant s'effondrer sous le coup de la douleur. Bientôt, au sol, il se retrouva avec Une demie-douzaine de fusils pointés vers lui, et un autre contre sa tempe et un dernier sur sa nuque.

Un officier subalterne arriva sur place. Il communiqua brièvement à la radio "Le lion est en cage", avant de lire le décret du Régent intimant sa destitution et son arrestation. C'en était fini du dernier dirigeant libre du Sérénissime Empire de Narois.