PARTI COMMUNISTE NAROISIEN
Le Parti Communiste Naroisien menait une importante bataille populaire contre la privation d'Abydos, son arrachage de la nation et sa cession au Saphyr, œuvre de soumission. Le Grand Auditorium Alexandra III était rempli du bas en haut de camarades certes mais aussi de spectateurs et spectatrices inconnues au bataillon du Parti. C'était le Parti flamboyant qui s'affichait, en ennemi farouche des envahisseurs et défenseur hardi de la patrie. Après tous ses efforts contre Jude Snow qui avait ouvert grandes les portes au frazzilisme, après ses mêmes efforts contre Frazzilo, le Parti Communiste n'était-il pas le Grand Parti des Résistants et des travailleurs, ne lui était-il pas l'exercice le plus naturel que la défense des intérêts nationaux ?
Quand Bastian Vallès, résistant émérite, défenseur des libertés publiques parmi les plus obstinés défenseurs, seul rédacteur législatif de l'opposition arriva devant l'assemblée, ce fut des tonnerres d'applaudissements qui s'abattirent violemment et s'entendirent de loin. Le Secrétaire Général du Parti Communiste était face à un public enthousiaste.
Mes camarades ! Mais avant tout mes compatriotes !
Notre belle patrie est attaquée et l'on veut s'en prendre à son intégrité territoriale ; mais au travers d'un déchirement de notre pays, ce sont des citoyens et des citoyennes que l'on arrache à leur patrie, ce sont des hommes et des femmes que l'on prive de leur appartenance à notre belle nation, ce sont des enfants, des fils, des filles, des vieillards aussi à qui on accapare l'histoire passée pour les assimiler à des traditions artificielles, à une identité réalisée de toute pièce et rapiécée avec des morceaux disparates et qui ne vont pas ensemble. Quelle honte ! Quelle indignité ! Quelle décrépitude pour notre nation, qui à l'aube de son époque la plus glorieuse, succédant à l'époque la plus sombre de son Histoire, doit connaître la soumission aux forces étrangères qui ne veulent que découper notre patrie, saccager notre nation et se servir de nous comme d'une réserve à hommes, à femmes, à protectorats, à sièges à la C.I.N.S ! Mais ne vous y trompez pas, les forces étrangères ne sont pas seules coupables de ce délire qui voudrait que l'on s'arrache Abydos et toutes celles et ceux qui y vivent pour les offrir, soumis et mis à genoux, aux Saphyriens ; il y a, à la vérité, des ennemis intérieurs qui sont soutenus par les ennemis de l'extérieur et qui collaborent étroitement pour mettre tout Narois à genoux.
N'allez pas croire que nos dirigeants veulent protéger corps et âme notre pays, si c'est pour le brader au premier monarque arrivé. Ils offrent notre passé, notre histoire, notre nation, notre territoire à des forces étrangères pour en faire un protectorat ! Quelle honte ! Abydos est un territoire libre sous le grand régime démocratique de Narois, alors pourquoi devrait-on le mettre à genoux, l'offrir les mains attachées dans le dos, le donner les yeux bandés, la gorge serrée et le carcan aux épaules ? Abydos est un territoire libre, stable et uni au sein de notre belle nation ! Rien ne justifie -rien m'entendez-vous !- que soit perdu Abydos et soit soumis à la puissance saphyrienne ! L'histoire d'Abydos est partie intégrante et inaliénable de l'histoire de Narois, la culture d'Abydos est naroisienne, le peuple d'Abydos est peuple de Narois ! Honte à nos élus et à nos aristocrates qui veulent céder hommes, femmes et terres à des puissances étrangères ! Les vrais patriotes s'y opposent, revendiquent l'unité nationale et l'intégration de la patrie !
Mort ! Mort à celles et ceux qui veulent découper notre belle terre, priver Narois de ses enfants à seule fin de satisfaire l'appétit grossissant d'un enfant de putois qu'est Victor du Saphyr. Mort ! Mort à l'Empereur du Saphyr et à son terrible cortège de sbires, de ministres et de conseillers qui veulent asservir petit à petit Narois en se servant de sa faiblesse, due au passage de Frazzimo et à la reconstruction défavorable que nous a imposé les puissances capitalistes ! Rappelez-vous mes camarades, rappelez-vous ! Qui nous a imposé des conditions de gouvernement incapables de nous offrir une reconstruction économique sereine ? La Fédération-Unie, Ostaria et Carlomania ! Avec le Saphyr c'est le quadrige de la décadence humaine ! Honte ! Honte à ces esclaves de la Fédération-Unie qui maîtrise en sous-main la politique de ces trois États, soumis à elle par des traités militaires, véritables actes d'allégeance politique et économique que perpétuent les gouvernements réactionnaires de ces pays. Ces ennemis de l'extérieur n'ont eu de cesse d'imposer leur ordre économique, leurs entreprises et leur culture sur Narois, et maintenant ils veulent la priver de son territoire national avec la complicité de l'ennemi de l'intérieur. Mort ! Mort à ces ennemis ! Ils ont des projets, nous aurons des fusils ; ils ont des traités infâmants, nous aurons des balles et nous saurons dans quels crânes les loger ! Notre glorieuse Constitution établit que la guerre doit protéger l'intégrité nationale, alors qu'attendons-nous pour déclarer la guerre aux traîtres qui violent l'intégrité nationale pour découper en lambeaux notre Empire, recousus à d'autres dont ils se pareront comme de stupides décorations !
Chaque parcelle naroisienne est sacrée par les principes démocratiques qui la protège ! Chaque parcelle de sol foulé par la culture de Narois porte éternellement la marque du progrès, et offre à ses résidents une dignité de citoyens libres et égaux entre eux ! Voilà les vrais principes du patriotisme qui sont constamment violés par nos dirigeants ! Le stade suprême de cette violation est sur le point d'être atteinte au moment où les eunuques qui nous gouvernent, tenus en laisse par les puissances étrangères qui les arrosent largement en contreparties par le biais des trusts qu'ils nous ont imposé, faisant dépérir nos paysages nationaux ; ceux-là ont décidé de faire de notre terre, bien commun le plus vital et essentiel parmi tous les biens communs, une simple écharpe qu'ils remettrait au cou des souverains étrangers qui ont écrasé le frazzilisme pour mieux soumettre Narois. Que soient à jamais marqués au fer rouge de l'indignité, ces traîtres qui nous gouvernent ! La patrie exigent un gouvernement démocratique et non plus cet abcès ignoble, héritage de la domination fédérée qui nous a imposé par le Traité de Paix, acte de soumission de Narois aux puissances impérialistes et coloniales, un gouvernement antidémocratique, artificiellement composé des sujets les plus soumis aux États conquérants, qui aujourd'hui ont posé leurs prétentions coloniales sur Narois !
Narois exige un gouvernement démocratique ! Une chambre fédérale élue ! Le bannissement des conseillers spéciaux, agents de l'étranger sur nos terres qui contrôlent et exigent du Conseil Exécutif Spécial qui lui aussi doit disparaître ! Nous n'avons pas fusillé les frazzilistes pour se faire fusiller par des ennemis de Narois ! Si nous avons chassé Frazzilo c'est pour recouvrir la démocratie !
Dix années se sont écoulées ! Dix ans ont passé et pour quel résultat ? L'indépendance nationale est-elle obtenue ? Non ! Puisque notre comité exécutif est dirigé en main basse par la Fédération-Unie et Carlomania, deux faces d'une même pièce colonialiste. La démocratie est-elle revenue ? Non ! Puisqu'aucun organe de gouvernement n'est aujourd'hui élu ou composé d'élu. Narois a t-elle été restaurée ? Non ! Puisque des traîtres nommés aux plus hautes places pour leur soumission et leur art dans la manière de faire des soubrettes, des culs de commune et des génuflexions vont décider d'offrir aux ennemis de Narois un de leur territoire, et ses hommes, et ses femmes, et ses enfants, et son avenir. L'industrie d'Abydos est nôtre, ses habitants sont nos frères et sœurs, défendons-les jusqu'au bout !
Exigeons un gouvernement démocratique qui protège nos intérêts nationaux plutôt que les emballer et les donner aux premières puissances venues ! Reprenons le pouvoir ! Que notre peuple soit libre de décider de son avenir ! Que notre patrie soit unie et intègre ! Que notre nation soit forte ! Marchons contre les ennemis de l'extérieur ; écrasons les ennemis de l'intérieur et l'avenir nous sera radieux !
Mort aux traîtres ! Vive Narois !
Alors que les foules se levaient en masse pour applaudir et féliciter le Secrétaire Général du Parti Communiste de son magnifique discours, un chanteur vint interpréter une chanson pour ragaillardir encore plus les foules et leur donner la force de revendiquer, de manifester et de s'opposer. La chanson était patriotique sans être nationaliste.